Malgré la crainte d’un fort abstentionnisme en Italie, les législatives ont réuni plus de 73 % de votants. Aucun parti et aucune coalition n’a remporté la majorité : personne n’a atteint l’étiage des 40 % (comme requis par la nouvelle loi électorale).
Voici les résultats (non encore définitifs à cette heure) :
Chambre des députés :
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Mouvement 5 Étoiles : 32,38 %
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Parti démocratique : 18,8 %
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Ligue du Nord : 17,6 %
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Forza Italia (Berlusconi) : 14,03 %
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Fratelli d’Italia (postfascistes) : 4,35 %
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Libres et Egaux (ex)PD) : 3,36 %
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+Europa (coalition PD) : 2,56 %
Sénat
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Mouvement 5 Étoiles : 31,95 %
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Parti démocratique : 19,21 %
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Ligue Nord : 17,79 %
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Forza Italia : 14,46 %
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Fratelli d’Italia : 4,26 %
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Libres et Egaux : 3,26 %
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+Europa : 2,38 %
Source : Ministère de l’Intérieur
La majorité requise au Sénat est de 158 élus et à la Chambre de députés 315.
Les estimations pour le Sénat sont les suivantes : les droites à 134 élus, le M5S à 114, et les gauches (PD) à 51.
Estimations pour la Chambre de députés : les droites sont à 252, le M5S à 235, et les gauches (PD) à 115.
Quant à la répartition géographique, on constate une nette différence entre Nord (acquis à la droite), alors que la gauche et le M5S ne l’emportent que dans deux régions du Centre. Dans le Sud, le M5S atteint plus 47 % des suffrages, la gauche s’effondre et les droites perdent elles aussi du terrain.
Ces résultats attestent que le clientélisme est en forte crise et le racisme, et même une forme le fascisme, progresse surtout dans le Nord, où grandit par ailleurs une fronde locale de la part d’une frange des petits patrons, artisans et commerçants qui se plaignent du niveau d’imposition et veulent une main-d’œuvre immigrée bon marché.
Le M5S et la Ligue du Nord gagnent des voix
Les leaders de la coalition des droites revendiquent la victoire avec presque 37 % des votants et prétendent gouverner en récupérant des élus dans les rangs des autres partis (comme l’a fait Matteo Renzi lors de la dernière législature).
De son côté, le M5S affirme est le seul vrai gagnant de cette élection car, sans coalition, il a obtenu plus de 32 % des voix, bien plus que tous les autres partis. En terme de voix, seuls le M5S et la Ligue Nord ont augmenté leur score par rapport aux dernières élections. La défaite est flagrante pour Renzi mais aussi pour Berlusconi.
Si le M5S et la Ligue Nord parvenaient à un accord, ils pourraient gouverner le pays, notent plusieurs observateurs. D’autant plus qu’ils partagent nombre de positions (même si le M5S apparaît plus modéré) : le rejet de l’immigration, une critique radicale de l’Europe, la promotion de l’ordre, de la sécurité et de la morale, la protection des précaires et en premier lieu des Italiens.
Vers quel gouvernement ?
Mais cette alliance apparaît assez problématique car le M5S veut gouverner seul, tout en nouant des ententes ponctuelles sur des points précis à droite ou à gauche. De sa part, Matteo Salvini, le leader de la Ligue, prétend être le chef du nouveau gouvernement et rejette l’idée d’un soutien sans participation un gouvernement dirigé par le M5S.
Cela n’exclut pas, dans une autre hypothèse, une « grande coalition » à l’allemande qui réunirait le M5S et le PD. En revanche, il est très probable que Renzi sera contraint à démissionner : tout le monde ou presque lui impute la défaite très lourde du PD et de sa coalition.
Silvio Berlusconi ne voudra pas quitter la scène en perdant face au chef de la Ligue Nord. Or, ce mouvement ne peut pas rompre totalement avec Berlusconi et chercher une entente avec le M5S car tous deux gouvernent plusieurs régions du pays.
Ce dimanche 4 mars, ils sont ainsi arrivés en tête en Lombardie, la région la plus importante d’Italie sur le plan économique.
Tout le monde s’attend, désormais, à un règlement de comptes au sein du PD avec le départ de Renzi, donc, dont la responsabilité dans la défaite du Parti démocrate est plus qu’évidente. De même, la coalition des droites pourrait se déchirer, Berlusconi refusant de lâcher le leadership à l’arrogant Salvini.
Il est probable que le président de la République, après avoir écouté les dirigeants de tous les partis, désigne une personnalité « institutionnelle », tout en ayant à l’esprit l’expérience désastreuse de l’économiste Mario Monti. Mais c’est encore trop tôt pour savoir ce qui va se passer. Les sièges du Sénat et de la Chambre ne sont pas encore assignés…
Salvatore Palidda, professeur de sociologie, Università degli studi di Genova
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.